En 1882, les Sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie satisfaites d’un projet d’édification d’une maison hospitalière à Saint-Quay-Portrieux vont tenter la même expérience à Trégastel. Le but de cette congrégation fondée en 1853 par Amélie Fristel de Paramé est de permettre pendant dix mois l’éducation des jeunes filles (mais bientôt on trouvera également des petits Trégastellois) et d’accueillir l’été une clientèle de choix en villégiature composée en partie d’ecclésiastiques, du moins au début.
La famille Courcoux amoureuse de Trégastel et regroupant à la fois des architectes et des ecclésiastiques dans ses descendants et ses relations, propose à ces Sœurs l’un des terrains que vient d’acquérir Huon de Penanster propriétaire du château de Kergrist à Kerauzern et sénateur des Côtes du nord. L’ensemble de ces terrains de la pointe appartenait à la famille Keraudren dont l’un d’eux (Guy) sera maire de Trégastel à cette époque.
Devant la lenteur des pourparlers, la Mère Ursule représentante de la Congrégation se lance alors dans la construction du même projet à Pléneuf Val André (terminée en 1884) ; pourtant elle n’abandonne pas Trégastel et la première pierre est posée le 16 août 1883. La congrégation semble avoir eu quelques problèmes de financement en s’étant lancé ainsi sur deux chantiers. Les archives parlent simplement de quelques inquiétudes et Monsieur de Penanster en mars 1884 interviendra pour régulariser certaines questions relatives à l’achat. Ainsi l’affaire trégastelloise est menée à son terme. Le 3 juin 1884, la mère Ursule et deux sœurs Philomène et Yves arrivent à Trégastel pour la fin des travaux qui dureront jusqu‘en 1885. Les débuts sont très prometteurs, mais les sœurs sont bientôt expulsées par les lois sur les congrégations religieuses en 1901 et elles doivent s’exiler dans le Finistère puis en Angleterre en 1908. L’établissement sera mis en vente comme bien des congrégations, mais un ami des sœurs, Monsieur Radenac l’obtiendra finalement par adjudication. Une société est alors créée avec des sœurs sécularisées enseignantes. L’aumônier, l’abbé Jean reviendra en 1905 pour assurer les tâches spirituelles, matérielles et administratives.
Un salon servait de lieu de culte avant l’inauguration de la chapelle, le 15 aout 1925 sur les plans d’Auguste Courcoux fils de Paul, l’architecte du Castel, appelé aussi à l’époque, la Communauté.
L’unique grande pension en 1885 à Trégastel
La chapelle en construction vers 1925
Les estivantes à la belle époque au Castel
Les après-midi au Castel (soutanes et robes longues se confondent)
On ne peut nier que cette communauté, comme à Pléneuf , apportera à Trégastel les prémices d’un tourisme particulier car la rigueur , la discipline et le choix des estivants s’inscrivent dans les souhaits d’accueil des sœurs de cette communauté annonçant dans un dépliant : « qu’elles sont heureuses de pouvoir offrir l’hospitalité aux personnes désireuses de se reposer à l’abri de la foule et des réunions bruyantes, dans un site où les conditions d’économie, de simplicité et de calme se joignent à la beauté des grèves et à la facilité des bains ».
Une des 82 chambres
Les repas sont servis aux tables communes mais une salle est réservée aux ecclésiastiques qui ne semblent pas d’ailleurs apprécier cette discrimination…ni la représentation trop importante du clergé dans les salons. La pension néanmoins ferme ses portes à 21h30 et les repas sont servis à heures fixes. Néanmoins, l’abbé Jean laissait toujours une fenêtre ouverte après l’extinction des feux pour les retardataires laïques ou non…
Dans le Lannionnais de septembre 1897, M. Mazé a retrouvé une liste des hôtes :Vicomte et Vicomtesse de La Perrière, le Comte et la Comtesse de Gouttevin, la Comtesse de Beuvron, la Baronne de Lallemand, les familles d’Aillières, de Prunelé, de Bergévin, Pichon de la Haudrusse, de la Rivière, Samuel Frère, Le Grand, Le Picard, Castagnol, Deschamps, etc…On peut juger que plus de dix ans après son ouverture le Castel a bonne réputation.
Quelques années auparavant, l’abbé Bouget avait été le précurseur de 1866 à 1877 d’un renouveau du catholicisme à Trégastel en construisant des monuments mémorables comme la statue de Jésus Sauveur du monde (aujourd’hui Père éternel) ou le calvaire du bourg mais aussi en invitant les Sœurs du Saint-Esprit à enseigner près de ce calvaire.
Les Sœurs de Saint Vincent de Paul arriveront également en 1899 pour s’occuper des indigents à la Fondation Foucher de Careil, alors que les Sœurs du Bon –Sauveur de Bégard font l’acquisition de la maison de la Grève blanche de la famille Chareton en 1900. Cette présence ecclésiastique persistera jusqu’à nos jours où il n’est pas rare de croiser encore quelques soutanes et cornettes modernisées et parfois exotiques comme les Sœurs coréennes du Bon sauveur.
Une plage porte d’ailleurs encore l’appellation de grèves des curés.
Le linge est lavé par les lavandières de Trégastel au pied du Castel dans le lavoir semi-circulaire encore visible aujourd’hui.